GEPP Décrypté : Clés, Défis et Stratégies Fondamentales

La Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP) représente une évolution majeure des pratiques RH en France. Succédant à la GPEC, ce dispositif stratégique permet aux organisations d’anticiper leurs besoins en compétences tout en favorisant le développement professionnel des collaborateurs. Dans un contexte économique marqué par des transformations rapides et profondes, la GEPP constitue un levier fondamental pour maintenir l’employabilité des salariés et la compétitivité des entreprises. Face aux mutations technologiques, aux transitions écologiques et aux nouveaux modes d’organisation du travail, comprendre les mécanismes de la GEPP devient indispensable pour toute entreprise souhaitant pérenniser son activité et valoriser son capital humain.

Les fondamentaux de la GEPP : cadre légal et principes directeurs

La GEPP (Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels) s’inscrit dans un cadre juridique précis, défini par les ordonnances Macron de septembre 2017. Cette réforme a transformé l’ancienne GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) pour répondre aux enjeux contemporains du marché du travail. La nuance entre ces deux approches est substantielle : là où la GPEC se concentrait principalement sur l’adéquation entre les besoins de l’entreprise et les compétences disponibles, la GEPP intègre une dimension supplémentaire en plaçant le parcours professionnel du salarié au cœur de la stratégie.

L’obligation de négocier sur la GEPP concerne les entreprises d’au moins 300 salariés, avec une périodicité triennale. Cette négociation doit porter sur la mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ainsi que sur les mesures d’accompagnement associées, notamment en matière de formation, de validation des acquis de l’expérience, de bilan de compétences et de mobilité professionnelle et géographique.

Les principes directeurs de la GEPP reposent sur trois piliers fondamentaux :

  • L’anticipation des évolutions des métiers et des compétences
  • L’accompagnement des parcours professionnels des salariés
  • L’adaptation des organisations aux transformations économiques et sociales

Cette approche préventive vise à éviter les restructurations brutales et les plans sociaux en favorisant une gestion dynamique et proactive des ressources humaines. La GEPP permet ainsi aux entreprises de disposer d’une vision prospective de leurs besoins en compétences tout en offrant aux salariés une meilleure visibilité sur leur évolution professionnelle.

Dans sa mise en œuvre, la GEPP s’appuie sur plusieurs outils structurants :

La cartographie des métiers et des compétences

Cet outil constitue le socle de toute démarche GEPP efficace. Il s’agit d’établir une représentation claire des différents métiers de l’entreprise, des compétences associées et de leur évolution prévisible. Cette cartographie permet d’identifier les emplois sensibles, les métiers en tension ou en déclin, et d’anticiper les besoins futurs de l’organisation.

L’observatoire des métiers

Mis en place dans certaines branches professionnelles, les observatoires des métiers fournissent des données précieuses sur les évolutions sectorielles et les tendances du marché de l’emploi. Ces informations permettent d’alimenter la réflexion stratégique des entreprises et d’orienter leurs politiques RH.

Les entretiens professionnels

Rendus obligatoires tous les deux ans par la loi du 5 mars 2014, les entretiens professionnels constituent un moment privilégié pour échanger avec le salarié sur ses perspectives d’évolution professionnelle et ses besoins en formation. Ils permettent d’articuler les aspirations individuelles avec les besoins collectifs de l’entreprise.

La GEPP représente ainsi une approche globale et intégrée de la gestion des ressources humaines, qui dépasse la simple conformité légale pour devenir un véritable outil de pilotage stratégique au service de la performance économique et sociale de l’entreprise.

Méthodologie d’implémentation d’une démarche GEPP efficace

Mettre en place une GEPP performante nécessite une méthodologie structurée et progressive. Cette démarche, loin d’être ponctuelle, s’inscrit dans un processus continu d’amélioration et d’adaptation aux évolutions de l’environnement économique et social.

La première étape consiste à réaliser un diagnostic stratégique approfondi. Cette phase initiale permet d’identifier les enjeux spécifiques de l’entreprise, d’analyser son environnement concurrentiel et de déterminer les facteurs d’évolution susceptibles d’impacter ses métiers et ses compétences. Ce diagnostic doit intégrer une dimension prospective pour anticiper les transformations futures du marché, des technologies et des attentes des clients.

Sur la base de ce diagnostic, l’entreprise peut ensuite procéder à la cartographie des emplois et des compétences. Cette étape fondamentale vise à établir une photographie précise des ressources humaines disponibles, en termes quantitatifs (effectifs par métier, pyramide des âges, etc.) et qualitatifs (compétences, qualifications, expertises, etc.). Cette cartographie constitue le référentiel à partir duquel seront identifiés les écarts entre la situation actuelle et les besoins futurs.

L’analyse des écarts et la définition des actions

Une fois la cartographie établie, l’entreprise doit procéder à une analyse prospective pour projeter l’évolution de ses métiers et de ses besoins en compétences à moyen terme (3 à 5 ans). Cette projection permet d’identifier les écarts prévisibles entre les ressources disponibles et les besoins futurs, et de définir les actions nécessaires pour les combler.

Ces actions peuvent prendre différentes formes :

  • Des plans de formation pour développer les compétences des salariés
  • Des politiques de recrutement ciblées sur les profils stratégiques
  • Des dispositifs de mobilité interne pour redéployer les compétences
  • Des programmes de transfert de savoir-faire pour préserver les compétences critiques

La formalisation de ces actions dans un plan d’action GEPP constitue l’étape suivante. Ce plan doit préciser les objectifs poursuivis, les moyens alloués, le calendrier de mise en œuvre et les indicateurs de suivi. Il doit être cohérent avec les autres politiques RH de l’entreprise (recrutement, formation, mobilité, etc.) et s’intégrer dans sa stratégie globale.

L’implication des parties prenantes

La réussite d’une démarche GEPP repose largement sur l’implication de l’ensemble des parties prenantes. Les managers jouent un rôle déterminant dans ce processus, en tant que relais opérationnels de la politique RH et interlocuteurs privilégiés des collaborateurs. Leur adhésion et leur engagement sont donc essentiels.

Les représentants du personnel constituent également des acteurs clés de la GEPP. Leur association en amont du projet permet de faciliter le dialogue social et d’enrichir la réflexion par leur connaissance du terrain et des préoccupations des salariés.

Enfin, les collaborateurs eux-mêmes doivent être sensibilisés et responsabilisés quant à leur propre développement professionnel. La GEPP ne peut fonctionner efficacement sans leur participation active à la construction de leur parcours.

Le déploiement de la démarche GEPP s’accompagne nécessairement d’un dispositif de communication interne adapté. Cette communication doit être transparente sur les objectifs poursuivis, pédagogique sur les moyens mis en œuvre et rassurante quant aux bénéfices attendus pour chacun. Elle doit également prévoir des canaux de remontée d’information pour ajuster la démarche en fonction des retours du terrain.

La dernière étape, souvent négligée mais fondamentale, consiste à mettre en place un système de suivi et d’évaluation de la démarche GEPP. Des indicateurs pertinents doivent être définis pour mesurer l’efficacité des actions entreprises et leur impact sur la performance de l’organisation. Cette évaluation permet d’ajuster le dispositif en continu et de l’adapter aux évolutions de l’environnement.

Les outils digitaux au service de la GEPP moderne

La transformation numérique a profondément modifié les pratiques de gestion des ressources humaines, offrant de nouveaux leviers pour optimiser la GEPP. Les outils digitaux constituent désormais un support incontournable pour collecter, analyser et exploiter les données relatives aux compétences et aux parcours professionnels.

Les SIRH (Systèmes d’Information des Ressources Humaines) nouvelle génération intègrent des modules spécifiquement dédiés à la GEPP. Ces solutions permettent de centraliser l’ensemble des informations relatives aux compétences des collaborateurs, de suivre leur évolution dans le temps et de faciliter la mise en relation entre les besoins de l’entreprise et les ressources disponibles.

Parmi les fonctionnalités les plus avancées, on trouve :

Les référentiels de compétences digitalisés

Ces outils permettent de structurer et de formaliser l’ensemble des compétences requises pour chaque métier de l’entreprise. Contrairement aux référentiels traditionnels souvent figés et rapidement obsolètes, les référentiels digitaux peuvent être mis à jour en temps réel pour intégrer les nouvelles compétences émergentes. Ils facilitent également l’auto-évaluation des collaborateurs et l’identification des écarts à combler.

La société Talentsoft, leader européen des solutions de gestion des talents, propose ainsi une plateforme intégrée permettant de gérer l’ensemble du cycle de vie des compétences, depuis leur identification jusqu’à leur développement.

Les outils d’analyse prédictive

L’exploitation des big data et des algorithmes d’intelligence artificielle ouvre de nouvelles perspectives pour la GEPP. Ces technologies permettent d’analyser de grandes quantités de données internes et externes pour identifier des tendances, anticiper les évolutions des métiers et prévoir les besoins futurs en compétences avec une précision accrue.

IBM Watson ou Microsoft Power BI proposent des solutions d’analyse prédictive qui peuvent être appliquées aux problématiques RH, permettant aux entreprises de passer d’une approche réactive à une démarche véritablement anticipative.

Les plateformes de développement des compétences

Le digital a également révolutionné les modalités d’apprentissage et de développement des compétences. Les LMS (Learning Management Systems) et autres plateformes de formation en ligne offrent désormais des parcours personnalisés adaptés aux besoins spécifiques de chaque collaborateur.

Des acteurs comme Coursera ou LinkedIn Learning proposent des catalogues de formations constamment enrichis, couvrant l’ensemble des compétences techniques et comportementales nécessaires dans un environnement professionnel en mutation.

Les outils de matching et de mobilité interne

Faciliter les mobilités internes constitue un enjeu majeur de la GEPP. Les plateformes de matching utilisent des algorithmes sophistiqués pour mettre en relation les compétences des collaborateurs avec les opportunités disponibles au sein de l’organisation.

La startup française 365Talents a ainsi développé une solution qui analyse en temps réel les compétences des collaborateurs pour leur proposer des opportunités de mobilité, de missions transverses ou de projets correspondant à leur profil.

L’intégration de ces différents outils digitaux dans une stratégie GEPP cohérente présente de nombreux avantages : gain de temps dans la collecte et l’analyse des données, amélioration de la précision des projections, personnalisation accrue des parcours professionnels, etc.

Toutefois, la digitalisation de la GEPP comporte également des défis. Le premier concerne la qualité des données sur lesquelles reposent ces outils. Des informations incomplètes, obsolètes ou erronées peuvent conduire à des analyses faussées et des décisions inappropriées. Un travail rigoureux de collecte, de vérification et de mise à jour des données est donc indispensable.

Le second défi concerne l’acceptabilité de ces outils par les utilisateurs. La réussite d’un projet de digitalisation de la GEPP repose largement sur l’adhésion des collaborateurs et des managers. Une démarche d’accompagnement au changement est donc nécessaire pour expliquer les bénéfices attendus, former les utilisateurs et lever les éventuelles résistances.

Enfin, la question de la protection des données personnelles ne doit pas être négligée. Les informations relatives aux compétences et aux parcours professionnels des collaborateurs constituent des données sensibles, dont le traitement est encadré par le RGPD. Les entreprises doivent donc veiller à la conformité de leurs pratiques avec cette réglementation.

Les défis contemporains de la GEPP face aux mutations du travail

La GEPP fait face aujourd’hui à des défis sans précédent, liés aux profondes mutations du monde du travail. Ces transformations, accélérées par la crise sanitaire, obligent les entreprises à repenser fondamentalement leurs approches en matière de gestion des compétences et des parcours professionnels.

Le premier défi concerne l’obsolescence accélérée des compétences. Selon une étude du World Economic Forum, 50% des compétences actuellement utilisées dans les entreprises seront obsolètes d’ici 2025. Cette accélération est principalement due aux avancées technologiques rapides, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la robotisation et de l’automatisation. Pour les responsables RH, l’enjeu n’est plus seulement d’identifier les compétences nécessaires à court terme, mais d’anticiper celles qui seront stratégiques dans un avenir proche, alors même que certaines n’existent pas encore.

Face à ce phénomène, la notion d’apprentissage continu (lifelong learning) s’impose comme un paradigme incontournable. Les entreprises doivent développer une culture de l’apprentissage permanent, où chaque collaborateur est encouragé à actualiser régulièrement ses compétences. Des organisations comme Orange ou Michelin ont ainsi mis en place des académies internes permettant aux salariés de se former tout au long de leur carrière aux nouvelles technologies et méthodes de travail.

L’émergence de nouvelles formes de travail

Le deuxième défi majeur réside dans la diversification des formes de travail. Le modèle traditionnel du salariat à temps plein et à durée indéterminée cède progressivement la place à une pluralité de situations : freelancing, portage salarial, travail à temps partagé, etc. Selon une étude de McKinsey, entre 20 et 30% de la population active dans les pays développés exerce aujourd’hui une activité indépendante.

Cette évolution questionne les fondements mêmes de la GEPP, historiquement conçue pour une population salariée stable. Comment intégrer dans la démarche les travailleurs externes qui contribuent pourtant à la création de valeur ? Comment maintenir une vision cohérente des compétences disponibles dans un écosystème de travail de plus en plus fragmenté ?

Des entreprises comme Danone ou L’Oréal expérimentent des approches de « Total Workforce Management« , qui visent à gérer de manière intégrée l’ensemble des ressources humaines mobilisées par l’organisation, qu’elles soient internes ou externes.

La recherche de sens et les nouvelles attentes des collaborateurs

Le troisième défi concerne l’évolution des attentes des collaborateurs vis-à-vis de leur parcours professionnel. Les nouvelles générations aspirent non seulement à développer leurs compétences, mais aussi à donner du sens à leur travail et à aligner leurs missions avec leurs valeurs personnelles.

Cette quête de sens s’accompagne d’une volonté d’autonomie accrue dans la gestion de sa carrière. Les collaborateurs souhaitent être acteurs de leur développement professionnel et non plus simples exécutants d’un plan de carrière prédéfini par l’organisation.

La GEPP doit donc évoluer vers des approches plus participatives, où le salarié co-construit son parcours avec l’entreprise. Des dispositifs comme les « career marketplaces » mis en place par Cisco ou IBM illustrent cette tendance en offrant aux collaborateurs une visibilité sur l’ensemble des opportunités disponibles au sein de l’organisation et la possibilité de se positionner librement.

L’impact des transitions écologiques et sociétales

Enfin, les transitions écologiques et sociétales constituent un quatrième défi majeur pour la GEPP. La nécessaire décarbonation de l’économie entraîne la transformation profonde de certains secteurs (énergie, automobile, bâtiment, etc.) et l’émergence de nouveaux métiers liés à l’économie verte.

Selon l’Organisation Internationale du Travail, la transition vers une économie bas carbone pourrait créer 24 millions d’emplois d’ici 2030, mais en supprimer également un grand nombre dans les secteurs traditionnels. Cette reconfiguration massive du paysage des métiers nécessite une approche prospective particulièrement fine de la part des responsables GEPP.

Des groupes comme EDF ou Total Energies, directement concernés par ces enjeux, ont développé des observatoires des métiers spécifiquement dédiés à l’anticipation des compétences liées à la transition énergétique.

Face à ces défis multiples et complexes, la GEPP doit évoluer vers des modèles plus agiles, capables de s’adapter rapidement à un environnement en constante mutation. L’approche traditionnelle, souvent descendante et planificatrice, cède progressivement la place à des démarches plus itératives, fondées sur l’expérimentation et l’ajustement permanent.

Vers une GEPP stratégique et humaniste : perspectives d’avenir

L’avenir de la GEPP se dessine à la confluence de deux impératifs apparemment contradictoires : répondre aux exigences croissantes de performance et de compétitivité des organisations tout en plaçant l’humain au cœur de la démarche. Cette tension créatrice ouvre la voie à une GEPP réinventée, à la fois plus stratégique et plus humaniste.

Pour devenir véritablement stratégique, la GEPP doit s’affranchir de son statut traditionnel de fonction support pour s’imposer comme un levier de transformation et d’innovation. Cette évolution implique un rapprochement significatif entre la fonction RH et la direction générale. Les DRH sont appelés à participer pleinement à l’élaboration de la stratégie de l’entreprise, en apportant leur expertise sur les dimensions humaines et organisationnelles.

Cette intégration stratégique se traduit concrètement par une participation accrue des responsables RH aux comités exécutifs et aux instances décisionnelles. Des entreprises comme Airbus ou Schneider Electric ont ainsi positionné leur DRH comme de véritables partenaires stratégiques, impliqués dès la conception des nouveaux produits, services ou modèles d’affaires pour en analyser les implications en termes de compétences et d’organisation.

L’approche par les capabilités : au-delà des compétences

Une des évolutions majeures de la GEPP stratégique consiste à dépasser la notion traditionnelle de compétence pour adopter une approche par les capabilités. Là où la compétence désigne la maîtrise d’un savoir ou d’un savoir-faire dans un contexte donné, la capabilité englobe la capacité à mobiliser et à combiner différentes ressources (connaissances, réseaux, outils, etc.) pour résoudre des problèmes complexes et inédits.

Cette approche, développée notamment par des chercheurs comme Amy Edmondson de la Harvard Business School, permet d’appréhender plus finement les enjeux d’adaptation dans un environnement volatil. Elle conduit à valoriser des qualités comme l’agilité cognitive, la capacité d’apprentissage ou l’intelligence collective, qui deviennent des atouts stratégiques dans l’économie de la connaissance.

Des organisations comme Spotify ou Netflix ont intégré cette dimension dans leur modèle de gestion des talents, en privilégiant le recrutement et le développement de collaborateurs démontrant une forte capacité d’adaptation plutôt qu’un ensemble figé de compétences techniques.

La personnalisation massive des parcours professionnels

La dimension humaniste de la GEPP de demain se manifeste notamment par une personnalisation accrue des parcours professionnels. À l’ère de l’hyperpersonnalisation dans la relation client, les collaborateurs attendent légitimement une approche tout aussi individualisée de leur développement professionnel.

Cette personnalisation s’appuie sur une connaissance fine des aspirations, des talents et du potentiel de chaque individu. Elle nécessite des outils d’évaluation sophistiqués, capables d’identifier non seulement les compétences actuelles des collaborateurs mais aussi leurs aptitudes latentes et leurs motivations profondes.

Des entreprises comme Unilever ou Nestlé ont développé des approches innovantes fondées sur l’analyse des forces naturelles de leurs collaborateurs. Plutôt que de chercher à combler systématiquement les lacunes identifiées, ces organisations encouragent les individus à développer leurs talents innés et à construire leur parcours autour de leurs points forts.

La reconnaissance de la pluralité des parcours

La GEPP humaniste implique également une reconnaissance de la diversité des aspirations et des trajectoires professionnelles. Le modèle traditionnel de carrière linéaire et ascendante cède la place à une pluralité de parcours possibles : développement horizontal, alternance de phases d’accélération et de ralentissement, incursions dans l’entrepreneuriat, etc.

Cette diversification des parcours s’accompagne d’une valorisation de l’expérience acquise en dehors des cadres traditionnels. Les compétences développées lors d’engagements associatifs, de projets personnels ou d’expériences internationales sont désormais reconnues et intégrées dans les parcours professionnels.

Des groupes comme Danone ou BNP Paribas ont ainsi mis en place des programmes d’intrapreneuriat permettant aux collaborateurs de développer leurs propres projets au sein de l’organisation, conciliant ainsi aspiration entrepreneuriale et sécurité du salariat.

L’éthique au cœur de la GEPP

Enfin, la dimension humaniste de la GEPP se traduit par une attention accrue aux questions éthiques. L’utilisation croissante des technologies d’intelligence artificielle dans la gestion des talents soulève des interrogations légitimes sur la protection de la vie privée, les risques de discrimination algorithmique ou la déshumanisation des décisions RH.

Face à ces enjeux, des entreprises pionnières comme Microsoft ou SAP ont développé des chartes éthiques spécifiques encadrant l’utilisation des technologies dans les processus RH. Ces chartes affirment la primauté du jugement humain sur les recommandations algorithmiques et garantissent la transparence des critères utilisés dans les systèmes d’aide à la décision.

La GEPP de demain devra également intégrer les enjeux de justice sociale et d’équité dans l’accès aux opportunités de développement. Des mécanismes de discrimination positive pourront être mis en place pour garantir que les populations traditionnellement désavantagées (seniors, personnes en situation de handicap, etc.) bénéficient pleinement des dispositifs de développement des compétences.

En définitive, la GEPP stratégique et humaniste qui se dessine représente bien plus qu’une simple évolution technique de la gestion des ressources humaines. Elle incarne une nouvelle philosophie du travail, fondée sur la reconnaissance de la valeur unique de chaque individu et sur la conviction que la performance durable des organisations repose sur l’épanouissement des personnes qui les composent.

La GEPP comme levier de transformation et de résilience organisationnelle

Dans un monde marqué par des ruptures multiples et des incertitudes croissantes, la GEPP émerge comme un puissant levier de transformation et de résilience pour les organisations. Au-delà de sa fonction traditionnelle d’adéquation entre ressources et besoins, elle devient un catalyseur de changement et un facteur de pérennité face aux turbulences de l’environnement.

La capacité d’une organisation à se transformer rapidement constitue aujourd’hui un avantage compétitif déterminant. Or, toute transformation profonde implique une reconfiguration des compétences disponibles et une évolution des modes de travail. La GEPP joue ici un rôle central en permettant d’identifier les compétences critiques pour l’avenir, de développer les talents nécessaires et d’accompagner les collaborateurs dans ces transitions.

Des entreprises comme Michelin ou Siemens ont ainsi placé la GEPP au cœur de leur stratégie de transformation digitale. Plutôt que de procéder à des restructurations massives, ces organisations ont privilégié la reconversion de leurs collaborateurs vers les nouveaux métiers créés par la digitalisation. Cette approche leur a permis non seulement de préserver leur capital humain, mais aussi d’accélérer leur transformation en s’appuyant sur des équipes maîtrisant déjà la culture et les spécificités de l’entreprise.

La GEPP comme vecteur d’innovation

La GEPP constitue également un puissant vecteur d’innovation. En favorisant la diversité des profils et la circulation des talents au sein de l’organisation, elle crée les conditions propices à l’émergence d’idées nouvelles et à l’exploration de territoires inédits.

Des dispositifs comme les communautés de pratiques, les réseaux d’experts ou les programmes de mobilité transverse permettent de décloisonner les savoirs et de favoriser les fertilisations croisées entre différents domaines d’expertise. Ces approches, mises en œuvre par des entreprises comme Google ou 3M, ont démontré leur efficacité pour stimuler l’innovation et accélérer le développement de nouvelles solutions.

La GEPP contribue également à l’innovation organisationnelle en favorisant l’expérimentation de nouveaux modes de travail et de collaboration. Des entreprises comme Decathlon ou Zappos ont ainsi développé des modèles d’organisation libérée ou holacratie, qui redéfinissent fondamentalement les rôles, les responsabilités et les parcours professionnels des collaborateurs.

Renforcer la résilience par la polyvalence et l’agilité

Face à l’incertitude croissante de l’environnement économique, la résilience devient une qualité fondamentale des organisations performantes. Cette résilience repose largement sur la capacité à mobiliser rapidement les compétences nécessaires pour faire face à des situations inédites ou des chocs externes.

La crise sanitaire a mis en lumière l’importance de cette résilience organisationnelle. Les entreprises qui avaient développé la polyvalence de leurs équipes et mis en place des dispositifs de mobilité interne ont généralement mieux résisté aux perturbations et se sont adaptées plus rapidement aux nouvelles contraintes.

Des groupes comme Toyota ou Airbus ont ainsi intégré dans leur GEPP des principes directement inspirés du lean management, favorisant la polyvalence des collaborateurs et leur capacité à intervenir sur différents postes ou projets. Cette approche leur confère une agilité précieuse face aux variations d’activité ou aux ruptures d’approvisionnement.

Au-delà de la polyvalence individuelle, la résilience organisationnelle repose également sur la capacité à constituer rapidement des équipes adaptées à des problématiques spécifiques. Des entreprises comme ING ou Spotify ont développé des modèles organisationnels fondés sur des équipes auto-organisées et reconfigurables en fonction des projets ou des défis à relever.

La GEPP comme socle du contrat social renouvelé

Dans un contexte où le contrat social traditionnel entre employeurs et salariés est profondément remis en question, la GEPP contribue à l’émergence d’un nouveau pacte fondé sur le développement mutuel. L’entreprise s’engage à maintenir l’employabilité de ses collaborateurs et à leur offrir des opportunités d’évolution, tandis que ces derniers s’engagent à développer continuellement leurs compétences et à contribuer activement à la performance collective.

Ce contrat renouvelé s’incarne dans des dispositifs comme les comptes personnels de formation ou les parcours certifiants qui permettent aux collaborateurs d’acquérir des compétences reconnues sur le marché du travail, renforçant ainsi leur sécurité professionnelle au-delà des frontières de l’entreprise.

Des organisations comme Engie ou La Poste, confrontées à des transformations profondes de leur modèle économique, ont ainsi développé des approches innovantes en matière de GEPP, combinant reconversion interne et accompagnement vers de nouveaux horizons professionnels pour les collaborateurs dont les métiers sont amenés à disparaître.

Cette conception élargie de la responsabilité de l’entreprise envers ses collaborateurs constitue non seulement un facteur d’attractivité et de fidélisation des talents, mais aussi un élément de sa responsabilité sociale et de sa contribution au bien commun.

En définitive, la GEPP contemporaine dépasse largement son périmètre traditionnel pour devenir un levier stratégique de transformation, d’innovation et de résilience. Elle contribue à réconcilier performance économique et développement humain, en plaçant les compétences et les parcours professionnels au cœur de la stratégie des organisations.

Les entreprises qui sauront pleinement exploiter ce potentiel transformateur de la GEPP disposeront d’un avantage compétitif durable dans un environnement en perpétuelle mutation. Elles pourront non seulement s’adapter aux évolutions de leur écosystème, mais aussi contribuer activement à façonner l’avenir du travail et des organisations.